Le digital : au service de nos engagements par Philippe Petitcolin, CEO de SAFRAN

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Cyril Abad / CAPA Pictures / Safran

Le 21 juin dernier, lors du Paris Air Forum, j’ai eu le plaisir de m’exprimer sur le digital dans le domaine aéronautique aux côtés de Guillaume Faury, Président Commercial Aircraft chez Airbus. Nous avons répondu aux questions des journalistes Michel Cabirol et Fabrice Gliszczynski. Quel usage Safran fait-il du digital ?

J’aimerais d’abord insister sur un point : la digitalisation doit être abordée à l’échelle des sociétés et de la filière. Avec 91 000 salariés dans le monde et un chiffre d’affaires de l’ordre de 21 milliards d’euros, Safran est le 3e acteur aéronautique mondial, hors avionneurs. Equipementier et motoriste dans les domaines civil et militaire, fournisseur de rang 1 des constructeurs, Safran doit être en phase avec ses clients, Airbus et Boeing en tête, en matière de digitalisation. Charge à nous également d’accompagner nos fournisseurs dans cette transformation qui impacte tous nos métiers. Cette évolution majeure dans notre manière de produire et de suivre la vie de nos produits concerne ainsi tout le secteur, qui doit chercher à avancer au même rythme.

Selon moi, le digital est avant tout un outil de compétitivité. On ne doit pas digitaliser pour digitaliser. Mais quand les gains sont évidents, il ne faut pas hésiter à mettre en place les changements nécessaires.

Big data, intelligence artificielle, objets connectés, réalité augmentée : tout doit alors être mis en œuvre pour nous améliorer. L’exemple de Safran Nacelles et de sa salle de réalité virtuelle est parlant. Grâce à celle-ci, nous sommes passés de 60 mois pour lancer les nacelles de l’A320neo à 42 pour celles de l’A330neo. La modélisation de la nouvelle ligne de production a aussi permis une réduction de 10 % sur les outillages. De même, nous avons développé une forte expertise en matière de traitement d’images, essentiel pour les contrôles, qui représentent une part non négligeable de nos coûts de production. Nous avons par exemple automatisé l’interprétation des images des aubes en tissé 3D à Commercy, avec des gains à tous égards, et un repositionnement des experts sur des tâches à plus forte valeur ajoutée.

On parle beaucoup de l’usine du futur. C’est essentiel. Nous lui consacrons une direction. Mais il ne faut pas oublier que la compétitivité est aussi une affaire de vie de tous les jours dans les sites.

Ici, l’objectif est simple : faire en sorte que les salariés ne sentent pas de rupture forte entre le digital à la maison et au travail. Pour cela, nous mettons à leur disposition des outils digitaux toujours plus performants pour communiquer, être en relation avec les clients et fournisseurs, rechercher des informations ou se former en ligne.

Que ce soit dans les usines ou au bureau, le couple Big Data/Intelligence Artificielle jouera un rôle de plus en plus important dans nos métiers. Connecter nos produits mais aussi nos procédés de fabrication doit permettre de les améliorer en permanence. C’est aussi comme cela que nous créons de nouveaux services pour nos clients. Pour travailler sur ces sujets, nous avons lancé Safran Analytics il y a trois ans. Sur une trentaine de Proofs of Concepts, une dizaine est déjà entrée en industrialisation.

Nous élaborons des outils de compétitivité internes mais aussi des solutions à destination de nos clients, notamment en matière de maintenance prédictive. Je pense à un dispositif comme BOOST, développé avec Safran Helicopter Engines, qui exploite les données de vol pour optimiser l’usage des moteurs. Le digital doit aussi faire naître de nouveaux produits, dans le champ de l’autonomie par exemple. Forts de notre expérience sur les drones, nous pourrons répondre présent quand nos clients voudront aller plus loin dans cette direction.

Pour que le digital porte tous ses fruits, il faut lui en donner les moyens. Cela passe d’abord par une forte activité de recherche et développement, où Safran investit massivement—1,4 milliard d’euros l’année dernière.

Il y a aussi des liens forts à tisser avec les petites structures innovantes. C’est ce que nous faisons avec Safran Corporate Ventures, destiné à réaliser des investissements dans des sociétés en phase d’accélération, dont la majorité a une composante numérique forte. Nous nous rapprochons également d’autres acteurs fortement engagés dans la transformation digitale, comme Valeo sur le véhicule autonome, Michelin pour le pneu connecté, ou des centres de recherche comme l’école des Mines/Telecom de Paris. Le digital suppose d’activer tout un écosystème.

Mais, à mon avis, les enjeux principaux sont humains. Safran, qui consacre annuellement 4,3 % de sa masse salariale et près d’1,5 million d’heures à la formation, a ainsi lancé avec d’autres acteurs industriels et académiques le centre de Bondoufle pour les métiers de l’usine du futur. Dès la rentrée prochaine, il accueillera 100 apprentis et 300 stagiaires.

Il faut aussi accompagner le changement en rassurant sur les apports positifs du digital. Partout où il s’implante chez Safran, le digital améliore les performances mais aussi la vie des salariés, avec à la clé plus d’autonomie pour eux.

Pour s’en convaincre, il suffit de visiter le site de Villaroche ou l’usine de Zodiac Aerospace—un des fleurons de l’aéronautique, intégré à Safran depuis février 2018—à Niort. Dans ces sites comme dans tant d’autres par lesquels est passée la transformation digitale, les salariés peuvent se concentrer sur des tâches plus intéressantes, moins répétitives.

Ainsi, pour Safran, comme pour l’ensemble de l’industrie aéronautique, le digital est un formidable levier. Avec une approche raisonnée, il devient même parfois un moyen sans équivalent au service de nos engagements. 

SourcePhilippe Petitcolin - CEO, Safran (Linkedin)
Philippe Petitcolin
Dirigeant d'entreprise français. Il est directeur général de Safran depuis le 23 avril 2015.