L’année dernière, j’ai créé ma première startup autour de la réalité virtuelle dans le marché de l’art et 6 mois plus tard, celle-ci n’existait plus. Certains aujourd’hui me demandent les raisons de cette fin prématurée et je profite de cet article pour revenir sur les éléments qui ont contribué à cet échec. Le projet a été définitivement arrêté il y a quelques mois, ce temps m’a permis de prendre du recul sur cette expérience.

En France, 90% des startups échouent et je vous expose aujourd’hui 7 raisons pour lesquelles la mienne ne figure pas dans la liste des 10% restantes :

1. Une fausse gestion agile

Le lean startup ou encore d’autres méthodologies comme le schéma de développement scrum permettent de développer des produits de façon itérative et incrémentale. L’objectif de la gestion agile est de concentrer ses ressources autour de la vérification d’hypothèses afin d’accélérer l’apprentissage de son marché et de son client. Ceci se fait en testant son produit dans son stade idéatif ou d’ébauche grâce au MVP (minimum viable product), c’est à dire un produit avec juste assez de fonctionnalités pour valider une hypothèse  et continuer son développement grâce à un nouvel incrément.

Le terme lean signifie maigre en anglais, car cette méthode a pour avantage de nécessiter que peu de ressources : un MVP en effet peut être développé rapidement et à moindres frais. Or, mon associé et moi-même sommes des créatifs et comme beaucoup d’entrepreneurs, les idées autour de notre idée initiale se sont rapidement accumulées. Je me rend compte avec du recul que l’erreur que nous avons faite fut de toutes les rassembler et de constituer une “méga idée”. Cette vision à long terme est absolument nécessaire pour définir la stratégie du business mais il est indispensable de savoir décomposer les fonctionnalités en hypothèses vérifiables afin de les valider les unes après les autres. Il est je crois important de noter toutes les idées qui s’ajoutent au projet mais c’est ici que le backlog du scrum prend tout son sens, il permet de les structurer et de séquencer la vérification d’hypothèses et par conséquent le développement du produit.

Se projeter en grand, commencer petit, réfléchir à la séquence.

Nous étions aussi convaincus à tort d’avoir validé nos hypothèses initiales, celles constituant le socle de notre service. Nous avons donc très vite commencé à développer la technologie, sans réellement valider l’attrait de notre proposition de valeur et en intégrant des fonctionnalités supplémentaires elles-mêmes non vérifiées. Ceci va à l’envers de ce que pourrait être un MVP puisque nous avons développé notre service avant même de vérifier son utilité pour notre cible. Un bon réflexe pour aller plus vite aurait été de trouver un moyen pour tester nos hypothèses sans penser technologie : une maquette sur photoshop est un outil par exemple indispensable pour confronter une idée de site internet à sa cible et recueillir du feedback, une fausse publicité sur facebook constitue aussi un moyen pour tester l’attractivité d’un marché.

2. Absence de recul et prise d’inertie

Après plusieurs mois de travail, nous étions devenus proches de notre client et avions développé une petite communauté de bêta testeurs. Malgré cela, le MVP que nous avons développé contenait trop d’hypothèses différentes devenues impossibles à vérifier puisque indiscernables. La mauvaise qualité du service (temps de chargement longs, incompatibilité avec certains téléphones etc.) venait aussi compromettre l’expérience promise car le développement n’était pas abouti et aurait nécessité des ressources conséquentes. Croyant bien faire, nous avons paradoxalement suivi l’opposé de ce que préconise une gestion agile et aucune hypothèse n’a été vérifiée objectivement.

Naturellement, le faible retour que nous avons reçu fut majoritairement négatif et nous avons pris conscience que nous avions perdu beaucoup de temps sur le développement d’une solution qui devait maintenant être reprise à zéro. A bout de souffle, l’équipe n’était plus motivée car les résultats n’étaient pas à la hauteur de ce qui était espéré et c’est à ce moment que le projet s’est arrêté.

Afin d’éviter une mauvaise prise d’inertie, je crois que le secret réside dans la capacité de l’entrepreneur à prendre du recul en permanence sur son projet. Travailler tête baissée revient à réduire son champs de vision et ne permet pas de garder un regard frais sur la situation. Aussi, je crois qu’il est très important de s’accorder un temps de divertissement ainsi qu’à l’équipe. Enfin, l’avis d’autres entrepreneurs sur son projet n’est pas toujours le meilleur ; maximiser les rencontres hétérogènes et rester à l’écoute de l’autre est aussi un facteur permettant de se remettre en question de façon pertinente.

3. Trop peu de complémentarités entre associés

Au lancement, les ressources humaines d’une startup sont limitées et souvent, l’équipe fondatrice constitue toute la force de travail. C’est la raison pour laquelle il est essentiel de constituer une équipe pluridisciplinaire et complémentaire. Il est aussi important de partager une vision commune et de définir des rôles clairs et correspondant au profil de chacun dès le début.

Pour illustrer ce propos, l’exemple de ma startup est idéal. Mon profil est axé sur le management et j’ai une assez bonne compréhension du développement web et de l’informatique tandis que mon ex-associé est quant à lui commercial. Or, une composante majeure du projet résidait dans le développement d’une nouvelle technologie. Puisque nous manquions de compétences dans ce domaine, c’est donc moi qui ai endossé le rôle de développeur. J’ai ainsi fait grandir la technologie jusqu’au stade de MVP grâce notamment à de l’adaptation de code open source mais un développeur confirmé serait à la fois allé plus vite tout en me permettant de me concentrer sur d’autres aspects du business que je maîtrise mieux.

4. Un environnement de travail inadéquat

Faute de moyens financiers, nous avons improvisé un QG dans une colocation que nous avions reprise pour l’occasion. Nous (associés) avions chacun une chambre et accueillions nos collaborateurs dans un grand salon que nous avions entièrement aménagé en bureaux. Certaines des meilleures startups naissent dans des garages mais la leçon que j’en retiens est la suivante :

Si vous n’avez pas de garage, ne prenez pas votre salon !

Les premières semaines ont été particulièrement plaisantes car il est vrai que vivre un projet à 100% lorsque l’on est entrepreneur est stimulant, mais au fil du temps l’engouement diminue et une distinction entre cadre privé et cadre professionnel est indispensable. Il est important de savoir minimiser les dépenses lorsque l’on débute une entreprise mais je conseille aux nouveaux entrepreneurs de ne pas sacrifier le budget lié à la construction d’un environnement propice au développement de leur entreprise.

5. Le manque de parties prenantes

Ce point découle du précédent car il existe aujourd’hui des solutions permettant à la fois d’évoluer dans un environnement propice au travail mais aussi de s’entourer de parties prenantes. Celles-ci sont essentielles pour permettre à une entreprise de se construire et le choix d’un écosystème figure parmi les premiers facteurs clés de succès des projets innovants.

Il existe aujourd’hui de nombreux espaces de coworking, des incubateurs ou encore des accélérateurs favorisants son insertion dans un écosystème existant. Le choix se fait en fonction des ressources disponibles mais aussi en fonction de l’avancée de la startup, de son marché ou encore de ses objectifs. Ce choix est déterminant pour accélérer l’avancée d’un projet car celui-ci évolue sans cesse et les rencontres aiguisent la vision de l’entrepreneur tout comme elles développent les opportunités. Enfin, s’entourer d’autres entrepreneurs est utile car cela permet d’éviter certaines erreurs puisque d’autres avant nous auront sûrement rencontré des difficultés semblables.

6. Besoin d’actifs et de liquidités

Au lancement du projet, nous pensions pouvoir piloter l’entreprise sans avoir recours à des financements immédiats. Or très rapidement, des investissements s’imposent et il devient nécessaire de rassembler des actifs pour permettre le développement. D’autre part, le besoin de liquidités devient vite réel et bien que les frais quotidiens soient de moindre importance, ils s’accumulent et représentent au bout un vrai besoin de financement. Au delà des dépenses courantes de la société et plus important encore, d’autres dépenses sont inévitables pour permettre au projet de se développer à une vitesse intéressante et il est impossible d’y faire face sans inclure des parties prenantes.

De cette expérience, je retiens qu’une startup ne doit pas hésiter à entreprendre rapidement des démarches de financement pour accélérer son développement. L’objet de cet article n’est pas de lister les différentes possibilités mais elles sont nombreuses. J’ai pour ma part rédigé le conventionnel “business plan”, ce qui n’était pas la meilleure solution à notre stade de développement car il était sûrement prématuré, mais il permit de clarifier la vision et de garder un oeil sur la projection des finances afin d’anticiper les besoins. Pour continuer le projet, l’une des prochaines étapes aurait ainsi été de solliciter des aides financières et d’effectuer un premier tour de table afin de consolider les premiers actifs de la startup.

7. Une réflexion trop précoce sur le modèle de revenu

L’un des outils du lean startup est le lean canvas conçu par Ash Maurya, une adaptation pour les startups du business model canvas (je vous invite à cliquer ici pour plus de détails sur ce sujet). 9 points doivent ainsi être considérés pour créer son modèle :

  • Le problème
  • La solution
  • Les indicateurs de performance
  • La proposition de valeur
  • L’avantage compétitif
  • Les canaux
  • Le segment de clientèle
  • Les coûts
  • Les sources de revenus

Nous avons souvent pris le temps de décomposer ces différents points et comme beaucoup de business pure players, c’est face aux sources de revenus que nous bloquions le plus : nous avons considéré le modèle de la market place, celui du freemium et d’autres encore. Or, chaque fois que nous changions notre modèle de revenu, c’est l’ensemble de notre solution qui se voyait altéré et nous avons passé trop de temps à analyser des solutions. L’erreur ici fut de ne pas se focaliser davantage sur la pertinence du problème et de la solution, car il est inutile de réfléchir à la monétisation tant qu’aucune solution résolvant un problème réel existe. Beaucoup disent l’inverse car effectivement, un business model a besoin de sources de revenus pour tourner, mais l’activation de cette case peut intervenir dans un second temps. Un autre argument consiste à dire que le feedback d’un client qui paye a davantage de valeur que celui qui ne paye pas.

Lors du design initial de la solution et de la proposition de valeur, il est à mon sens parfois risqué de prendre immédiatement en compte les revenus car ceux-ci peuvent bloquer la construction du modèle. Ceci est particulièrement vrai si la solution proposée est un service, il est alors beaucoup plus pertinent de définir des indicateurs de performance qui permettront de tester objectivement des hypothèses. Au moment où la solution prend forme, l’équipe pourra alors inclure des sources de revenus, elles-même assimilables à des hypothèses vérifiables.

Conclusion

Je profite de cette conclusion pour remercier tous ceux qui nous ont soutenu, mais aussi Florian Gerardi qui était mon associé, tous nos collaborateurs qui se reconnaîtront et particulièrement Alban Martel qui a écrit beaucoup de code ainsi qu’Anaïs Docteur qui a contribué avec ses talents de vidéaste. Cette expérience a été possible grâce au statut d’étudiant entrepreneur et à l’IAE de Toulouse, qui m’ont permis de substituer un stage afin de vivre pleinement l’aventure entrepreneuriale. Bien que le projet n’ait pas débouché sur une entreprise viable, cette expérience fut pleine d’apprentissages. Ce n’est qu’en vivant la création d’entreprise que l’on s’exerce réellement à l’entrepreneuriat. Alors si vous avez l’âme entrepreneuriale, que vous avez un projet et que vous hésitez encore à le porter, foncez et n’ayez pas peur de faire des erreurs !

SourceLinkedin (Jacky L. VINCENT)